Avec Antidote, Nicoleta Esinencu retrace une longue histoire du gaz et du nucléaire, du zyklon B utilisé à Auschwitz, jusqu’à Tchernobyl, en passant par les menaces de contamination chimique en temps de Guerre Froide.

Mais le gaz, c’est aussi une ressource naturelle qui répond à nos besoins primaires (se nourrir par exemple, se chauffer), c’est une source de vie, que l’on peut détourner en moyen de pression politique.

Et c’est au scalpel que Nicoleta Esinencu dissèque l’Histoire, le pouvoir de l’État, la guerre, et les conséquences de la chute du Mur : la mise en place d’un autoritarisme post-totalitaire par une nouvelle nomenklatura, apparatchiks de la transition perpétuant et réinventant un terrorisme d’État, plus insidieux et nettement moins saisissable que celui de l’Ex-Union soviétique. À l’Est, le postcommunisme n’est que le prolongement d’une société dans laquelle l’individu reste considéré comme un insecte, le zyklon B, faut-il le rappeler, est à la base un pesticide.

L’auteure rend compte de la désinformation, de l’endoctrinement et de la manipulation des masses. L’intoxication aux informations poussant à la paranoïa de l’ennemi invisible, sans identité, à l’ennemi clairement identifié, et la propagande inodore, incolore qui s’infiltre sournoisement dans les esprits fait grandir l’empire de la peur et laisse le racisme et le nationalisme dominer les esprits et les pulsions : la haine des juifs, des Tchéchènes, des Moldaves, ou l’envie de reconstruire le Mur, nommons-la, par exemple : la haine de ceux qui ont été derrière le rideau de fer.

Nicoleta Esinencu a écrit et monté ce texte dans le cadre du projet After the Fall – L’Europe après 1989, initié par le Goethe Institut, à l’occasion du 20ème anniversaire de la chute du Mur de Berlin.

Avec ce texte, hautement politique et militant, l’auteure interroge avec justesse les conséquences identitaires du déclin du modèle communiste pour notre Europe contemporaine. Ce texte pose d’abord une question éthique : que faisons-nous d’un système éducatif, idéologique, ou d’une avancée scientifique ou technologique ? Le constat est accablant : nous créons plus volontiers de nouveaux moyens de pression, d’aliénation voir de destruction des peuples plutôt que des outils pour les servir au mieux. Existe-t-il un antidote, un remède pour un projet sociétal viable ? Un appel d’air ?

Alexandra Lazarescou